A Scanner Darkly, une réflexion sur l’identité (Richard Linklater, d’après Philip K. Dick, 2006)

 

Dans les dernières minutes du film de Richard Linklater, A scanner Darkly, un employé d’un centre de désintoxication répète par deux fois : « nous sommes un circuit fermé », auquel le héros fait écho à son tour.

Cette triple occurrence permet au spectateur de ressaisir rétrospectivement un scenario dont l’intrigue l’a plus d’une fois distrait d’un thème pourtant particulièrement saillant. Contrairement à ce qu’on en dit souvent, A scanner Darkly est lisible ainsi qu’un film sur l’identité. Dès les premières minutes en fait, la tenue de camouflage des enquêteurs (qui radioscope des visages échantillonnés sur la diversité des anatomies humaines), en imposait le thème avec une force toute particulière.

Le parti pris du film, d’ailleurs discutable, est alors d’interroger l’identité au travers de trois figures simples et connues de la vie sociale : les coupables, les complices, les victimes. Ce à quoi la narration nous donne à voir, c’est au passage successif chez un seul homme, Bob Arctor, de toutes les identités : bon père de famille, représentant de l’ordre, dealer, junky, ouvrier agricole (dans une exploitation de la fleur bleue dont est extraite la psychotrope « Substance D », et maquillée en rehab’). A Scanner Darkly pourrait en quelque sorte reprendre à Barthes sa thèse structurale (bien légère) sur l’identité : je suis le même que celui qui se trouve à la même place que moi.

Car si le héros peut traverser toutes ces identités jusqu’à atteindre leurs figure opposée, c’est qu’elles sont liées par un circuit de transformation, où chaque identité est toujours en même temps le moyen terme de deux autres identités contraires. L’identité, quoique transitoire, est un provisoire qui dure, ou plutôt : l’identité, quoiqu’elle fasse durer le provisoire, est un transitoire. La dernière image du film montre alors cette circulation se refermer sur elle-même, dévoilant le système qui relie, sans les hiérarchiser ni les confondre : le drogué, le dealer, le flic, le bon père de famille ou l’exploitant agricole. La place dans la société, ce serait alors ce statut d’immobilité, id est de répétition, qui nous donne l’illusion de notre identité.

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