Star Wars ou la crise des élites

On peut affirmer sans trop de risque que la saga Star Warsa suscité un nombre de gloses suffisant pour garantir que ce que je m’apprête à écrire est vraisemblablement une redite, voire une stupidité invalidée par quelque spécialiste de la trilogie — ce que je ne suis bien sûr pas. Reste que m’a toujours frappée dans cette narration, l’étrangeté et en même temps la familiarité de l’antagonisme proposé, entre d’un côté une République dotée d’une noblesse, et de l’autre une dictature d’un genre très spécial.

En tout cas, la caractéristique du côté obscur demeure son pouvoir de séduction, et c’est la nature de cette séduction qu’il faut interroger pour comprendre ce que cet univers fantasmagorique, si nouveau à sa sortie en salles, a en fait de si familier…

Ce pouvoir de séduction semble en effet s’exercer en premier lieu sur une classe un peu spéciale, comme si elle était taillée pour elle. Composée d’individus peuvant fleurir n’importe où, dans la fange roturière la plus repoussante comme au bout d’une lignée de sang, cette classe possède un talent qui intéresse au premier chef l’Empire, car ce talent conduit ces individus à se constituer en classe dirigeante et dominante, très proche de la noblesse dont nous parlions plus haut mais sans toutefois se confondre avec elle.

Pour tous les autres, la séduction est superflue : ils sont simplement réduits à une forme d’esclavage plus ou moins sophistiquée, d’enrôlement militaire dans le meilleur des cas, et qui peut d’ailleurs dériver en mercenariat. C’est d’ailleurs ce que les chevaliers Jedi rétorquent à leur homologues Sith : ils ne maîtrisent pas le côté obscur de la Force, ils sont simplement agis par elles.

Car pour la noblesse de sang de la République la séduction du côté obscur n’est pas vraiment engagée. Elle semble si consubstantiellement liée à la République qu’elle n’a pas vraiment d’autre choix que la servir.

Il en va donc tout autrement des Jedis, qui doivent se décider entre servir la République, leur pente naturelle, ou cet Autre qui n’a pas encore été nommé…

Cet Autre pourtant a des traits très reconnaissables. Son principe est la subordination, nous l’avons dit : quiconque la rejoint accepte la subordination pour principe. Or, dans la vie réelle il n’est qu’un lieu, si l’on excepte l’armée, où un tel principe opère en dépit de la République : l’entreprise.

Il y a en effet il me semble dans Star Wars, une parabole de l’hésitation constante des élites depuis la naissance des grandes démocraties, entre le service de la nation et le service du capital.

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